De bas en haut...

Invité

On l'entendit arriver bien avant qu'on ne le vit. Un lent respir sourd, rauque et puissant, qui évoquait celui du bœuf accablé par le joug, se rapprochait du manoir à travers la forêt en pente tel un soufflet de forge. Puis un frottement lourd dans les taillis évoquant la reptation embarrassée d'antiques lézards géants ; et enfin une ombre monstrueuse se profilant entre les derniers sapins ; silence, immobilité ; puis soudain, l'homme sortant du bois...

- Mortecouilles !!! Maudit raccourci ! La prochaine fois je prendrais la route...

Le grand gaillard vert qu'on aurait volontiers pris pour un homme des bois s'il ne portait des vêtements du Dimanche en fort piteux état s'avança jusqu'au préposé au portail. Ce dernier, remplissant son office, lui manda identité et raison de sa visite. S'en fût trop pour le Yennois, qui échaudé par son corps à corps avec les sapins lui lança:

- C'est le ramoneur, ventrapinte ! Qui ramone de bas en haut et de haut en bas avec son grand balai poilu ! Auriez-vous quelque chose à ramoner céant ?

Non...
Non, je sais ce que vous allez me dire...
Non ce n'était pas Armand qui était de poste à la conciergerie.
Que je donne une raison pour ainsi changer les scénarii ? Mais je suis narrateur ! Je fais ce que je veux ! Et arrêter de m'embêter sinon le prochain PNJ, c'est un fossoyeur qui sent de la bouche ! Et je vous laisse deviner pourquoi !
Mais je m'emporte et revenons à notre histoire...

Pietro était là. Le menton posé fort élégamment sur la paume de sa main blanche et délicate, il avait l'air lascif d'un jeune éphèbe qui semble regarder vivre la nature autour de lui.
Il vit arriver dans le Château, un grand gaillard, fort bien charpenté.
"Aaaah, se dit le Maître Queue, si seulement à la Palestre je pouvais huiler tout ce corps..."
Et le jeune italien de glousser :

-S'il y a quelque chose à ramoner céans ? C'est que je crois bien avoir moi même un céans à ramoner...

Invité

Le jeune italien aux manières de donzelle qui le reçut fit perdre à Grandgousier toute véhémence. Il en resta d'abord bouche bée, observant ledict séant et se demandant s'il ne lui donnerait pas démonstration qui lui ferait regretter ses propositions. Finalement il s'approcha du Maître Queue et lui prit le menton, lui soulevant la tête comme on fait à un enfant qu'on sermonne.

- Putentrailles mais tu es un bougre, mon garçon ! Et tu offres ainsi ton fondement au forcement du premier visiteur venu sans réganier ? Qu'en dirait ton maistre, hmmm ? Devant lui aussi tu escambilles les cuisses comme ribaude en bordeau ? Te voilà bien prompt au déduit ! Gardes donc tes pensements d'amour pour une autre caillette et ne comptes pas sur moi pour te mettre au montoir. Cesses de me regarder comme par friandise on contemple une galimafrée qu’on ne peut gloutir, et va quérir ton maistre ou ta maistresse. Oust !

Dolmance se promenait par là quand il vit détaler Pietro, jambe par dessus oreille. Il continua à marcher étonné de voir cela et vit soudain Grandgousier :

-Ola mon ami ! Comment vas-tu ?

Le borgne se mordilla la lèvre mais finit par dire :

-Dis-moi s'il fuit comme ça c'est parce que tu lui as fait des avances encore plus pressantes qu'il ne t'en a fait lui ?

Invité

Grandgousier regardait partir en souriant l'italien quand Dolmance l'interpella.

- Oh ! Maistre Dolmance, quel enjoiement ! Je vais... à pied, ma foi, ce jour. Et j'aurais mieux fait de venir à cheval, cela m'aurait évité moult aventures. Jusqu'à ce valet vostre qui voulait m’emberlucoquer avec ses minauderies de drôlasse ! C'est mal me connaistre. Il n'y a pas sur terre de Savoy plus franc tireur que vostre ami Grandgousier. D'ailleurs je venais pour... ventrapinte... toutes ces péripéties m'ont mesme fait oublier ce pourquoi je venais...

Dolmance éclata de rire et donna l'accolade à son ami :

-Dans ce cas j'espère que tu viens juste ici pour le plaisir !

Il invita Grandgousier à aller plus avant :

-Oui, il est assez spécial ce Pietro, mais c'est un gentil garçon. Et il cuisine d'une manière merveilleuse ! Et c'est moi, qui suis pourtant aussi cuisinier, qui te le dis. Mais dis-moi, tu as pu venir ici pour la Garde Erudite, pour la politique, pour des cours, pour ma cousine peut être ? Oui, elle m'a parlé un peu de toi, Grandgousier.

Le borgne eut un sourire amusé et continua :

-Ou alors, viens-tu peut être goûter à sa source le bon vin de Séez ?

Invité

Grandgousier ajusta ses pas à ceux de Dolmance et commenta ses propositions:

- Ah... tout ça... et bien... Je ne sais point ce qu'est la Garde d'Edith, mais je suppose que si je le savais, je préférerais venir pour Edith que pour sa Garde. La politique ne m'intéresse guère, je préfère de loin parler du temps qu'il fait. Pour les cours, oui, volontiers, vous avez éveillé en moi un appétit pour les mots que je n'aurais jamais soupçonné. Vostre cousine aussi, puisque vous en parlez... m'enfin pas au mesme niveau, vous vous en doutez. Quand au vin, je ne puis refuser l'honneur d'y gouster sans renier ce que je suis. Mais maintenant j'ai souvenance de ce qui m'amène. Une mystérieuse missive que j'ai reçu il y a un mois de cela... tenez...

Il lui glissa alors dans la main un morceau de parchemin (MP), prenant l'air soucieux.

- Qui est cet homme à la langue si fourchue ?

Dolmance après la lecture de la lettre eut un sourire mauvais.
il leva son unique œil vers Grandgousier :

-Cet homme est le grand père de Crystale. Pas un mot de tout ceci, mon ami.

Il fit une pause et sourit :

-Grandgousier, je te fais confiance, et c'est bien pour ça que je te mets en garde, car je t'aime beaucoup, un mot, un geste, un regard que je juge mal venu sur mon épouse et je suis plus enragé qu'une harpie. Je te remercie de m'avoir montré cette lettre.

Il froissa la missive :

-Pour mon épouse, je mettrai la Savoie, l'Empire et mon corps, à feu et à sang.

Dolmance cligna de l'oeil et sourit :

-Enfin, laisses cela, ce sont les divagations d'un pauvre fou... Viens entre, entre... Je m'occuperez de cela plus tard, seul...

Voyant que Grandgousier, ne disait rien il ajouta :

-Allons entre mon ami, et allons donc boire un bon verre !

Invité

Grandgousier se détendit perceptiblement et pria son hôte de lui montrer la voie:

- Entrer ? Certes, m'seigneur, avec plaisir et empressement ! Mais entrer où et comment ? Car il n'est nulle affaire dont je ne me sois jamais mêlé sans en avoir au préalable étudié le retrait ; tout comme jamais je ne suis entré quelque part en voulant aussitôt en sortir en courant.

Dolmance se frappa le front :

-Mais oui morbleu ! Je manque à tous mes devoirs. Allons aux Jardins si tu le veux. De là je pourrai te montrer les différentes ailes du Château et tu pourras ensuite te déplacer plus librement en sachant où tu vas. Car je te veux ici, aussi libre qu'un membre de la famille, mon ami. Aussi à l'aise que mon Intendant... si du moins j'en avais un... En tous les cas, viens que je te fasse connaître le Château.

Le borgne arrêta un page par le bras :

-Mon garçon peux-tu courir en cuisine nous chercher une collation que tu porteras dans le jardin. Oui ?

Le petit page se courba d'une révérence et partit rapidement aux cuisines :

-De cette manière mon cher ami, tu apprendras bien mieux à être comme chez toi ici.