Rencontre avec le passé

Haraldir se trouvait dans un grand fauteuil de cuir noir, assis au coin de la cheminée en sirotant un verre d'hydromel. Pensif, il réfléchissait à son avenir : que serait son métier à Chambéry ? Au fil des discussions avec Dolmance, il hésitait entre la chevalerie et la chancellerie. De telles questions, en tout cas, ne pouvaient révéler qu'une chose : Haraldir ne savait encore ce qu'il valait, ni pour quoi il était fait. Il avait par le passé essayé de se donner à la croyance catholique, mais les réponses qu'on lui avait données ne l'avaient pas satisfaites.

Il se leva machinalement, parcourra la salle de long en large sans vraiment regarder les tableaux, les tapisseries, les magnifiques meubles qui embellissaient la demeure Larose.

Soudain, un portrait en particulier attira son regard : c'était celui de son père, Thybert. Alors, tout le passé et les questions qui allaient avec remonta : pourquoi l'avait-il abandonné si tôt ? qui était cet homme qui l'avait malgré tout élevé dans le respect de la religion, sans lui donner l'occasion de connaître sa mère ? pourquoi s'était-il senti forcé de partir de la Savoie pour monter en Franche-Comté ? Cela lui avait certes permis de mieux se connaître et d'acquérir une véritable personnalité, mais il aurait aimé que son père l'aide dans cette quête.

Abattu par les regrets que ce portrait lui renvoyait, Haraldir tomba à genoux devant cette image, laissant son verre tomber de sa main et se casser. Il se prit la tête dans les mains, et laissa libre cours à cette montée d'émotions qui venaient de loin.

Elle venait de descendre de sa chambre lorsque, au détour d'un couloir elle passa devant la porte qui menait au salon. La porte était entrouverte, elle passa la tête par l'entrebaillement, jeta un rapide coup d'oeil dans la pièce pour finir par poser son regard de jade sur une personne qui de dos ne lui disait absolument rien et dont elle se demandait ce qui pouvait l'accabler de la sorte.

Elle pénétra doucement dans la pièce et se posta à courte distance de l'homme.

- Messire avez vous besoin d'aide ? puis-je vous aider ?

Perdu dans ses larmes, Haraldir en fut tiré par le son d'une douce voix qui provenait de derrière :

"Messire avez vous besoin d'aide ? puis-je vous aider ?"

Il sauta de surprise, et ne voulant pas paraître trop pathétique il s'essuya le visage d'un revers de main, se leva promptement ; droit comme un piquet, et se tourna vers la jeune femme. Son éducation reprit le dessus : il afficha un grand sourire et se présenta :

"Bonjour gente dame, je me présente : Haraldir Larose. Vous devez être une amie de mon cousin Dolmance, je présume ?".

En face, la dame le dévisagea et d'un regard apitoyant elle lui fit comprendre que toutes ces formes le rendaient encore plus ridicule. Il essaya de se rattraper tant bien que mal.

"Excusez-moi, oui en effet je suis très ému à l'instant même... Mais je ne veux pas vous ennuyer avec mes histoires. Pour la première fois que nous nous voyons, je n'aimerais pas que vous ayez l'impression d'un pleureur professionnel, surtout que ce n'est pas du tout dans ma nature !"

Son interlocutrice esquissa un bref sourire, et avant qu'elle ne commençât à répondre ; Haraldir lança :

"Si vous avez un peu de temps, peut-être pouvons nous nous assoir comme je l'étais il y a quelques minutes devant la cheminée, et discuter ?"

Il remarqua le verre cassé à ses pieds, et se sentit d'autant plus gêné d'avoir brisé un objet appartenant à la demeure Larose. Il releva les yeux vers son interlocutrice, et lui dit du regard que cela resterait entre eux, n'est ce pas ?

"VALET !!!" cria Haraldir.

Juste avant que le valet n'arrive elle ramassa le verre avec précaution, le remit à ce dernier en faisant mine d'avoir été maladroite et lui murmura de leur faire porter quelques gourmandises et hypocras.

De sa nonchalence habituelle elle acceda à l'autre fauteuil et s'y installa, regardant Haraldir non point avec "pitié" mais plutot avec tendresse..un homme qui pleure c'est toujours touchant.

- En effet oui vous estes bien informé je suis l'amie, enfin j'espère être bien davantage, de vostre cousin Dolmance, Evalea Perrigny de l'Arcelot taisant volontairement son titre elle continua , enchantée Messire Haraldir et... non vous ne m'ennuyez nullement, j'avouerais meme que je suis heureuse de rencontrer ame qui vive en ce lieu. Dolmance passe le plus clair de son temps entre l'Ordre, le MOHUM et...

Elle baissa la tête un instant pour murmurer..le jardin, un éclair de tristesse passa sur son visage, mais la Nosble ayant l'habitude de "paraitre" dans le grand monde, reprend bien vite le dessus, regardant le fauteuil qui jouxte le sien, elle invite le jeune homme à la rejoindre.

- Venez, installez vous, et discutons si celà peut nous distraire un peu et chasser ces mauvaises pensées que vous semblez avoir dans le coeur. Vous demeurez ici ? avez vous quelques projets ? et..mais d'où venez vous, vous dites estre le cousin de Dolmance, racontez moi un peu.

Elle avait retiré ses escarpins et glissé ses pieds sous ses fesses comme elle le faisait avec Dolmance. Après tout il n'y avait ici aucun Haut dignitaire de quelconque duché, juste deux personnes qui semblaient avoir besoin de parler.

Haraldir suivit Evalea près de la cheminée, et se remit à sa place antérieure. Il avait noté la fulgurante mine triste qu'elle avait affiché bien discrètement lorsqu'elle avait évoqué les jardins du Castel. En tant que dame du monde, elle avait appris à cacher ses émotions. Et Haraldir, en tant qu'homme du monde, avait appris à les détecter. La rencontre de deux âmes qui avaient besoin de se distraire, de parler...

"C'est donc vous, la divine Evalea ! Dolmance m'a parlé de vous maintes fois, et uniquement de manière élogieuse. Je peux vous assurer que vous êtes plus qu'une amie pour lui. Pour répondre à vos questions, je viens de Luxeuil, en Franche Comté. Mais comme vous le devinerez aisément, ma famille est ici, mes repères sont ici, ma vie est ici. C'est pour cela que je suis revenu, même si un exil dans le nord m'a fait du bien.
Cependant, comme vous pouvez le constater, revenir ici ravive aussi les douleurs du passé... Je le savais bien, mais cela s'avère plus difficile que prévu. Je saurai faire face et les surmonter.
Sinon, je ne demeure pas ici. J'ai une maison dans la ville même de Chambéry, pas très loin du centre. Je serai d'ailleurs éternellement reconnaissant à Donatien qui l'a aménagé pour moi et qui l'a dotée d'un page fort doué. En ce qui concerne mes projets, et bien... je compte devenir chevalier de l'Ordre de la Plume et de l'Epée, et pourquoi pas m'inscrire sur la prochaine liste des élections ducales..."

A ce moment, un valet entra en trombe dans le salon, avec à la main un verre de vin et des amuses-bouche. Il foudroya Evalea du regard, ce qu'Haraldir n'apprécia guère. Qu'avait-elle donc fait pour mériter tel mépris ? S'il s'agissait du verre cassé, il était prêt à se dénoncer.
Puis le valet tourna son regard vers lui, et accouru dans sa direction, un grand sourire aux lèvres. Cela toucha Haraldir, et il put alors apprécier les formes harmonieuses de ce page. Décidément, il ne serait jamais insensible au charme des hommes... Il s'empressa de cacher le flot de rougeurs qui montaient à son visage, et tenta de rester froid. Cela fut très difficile lorsque le valet se pencha pour lui servir le verre de vin.

"Arrête ce jeu tout de suite !" pensa-t-il.

Lorsque le page eut fini de servir les convives, il sortit de la pièce en lançant un dernier regard très éloquent à Haraldir, auquel ce dernier répondit par un clin d'oeil.

Il se dépêcha de sortir de cette brève distraction, et continua la conversation :

"Et vous Evalea, demeurez-vous ici ? qu'avez-vous à m'apprendre sur vous que je ne saurais ignorer ?"

Elle ne put réprimer un sourire moqueur en voyant Pietro se dandinner telle une dinde qui avait eu du mal à pondre son oeuf et le regard qu'il lui lança ne fit que confimer ses craintes, il ne l'appréciait vraiment pas. Qu'importe ce n'était pas avec le valet qu'elle faisait l'amour et comptait passer le restant de sa vie mais bien avec le Maistre des lieux.

Elle remarqua les joues rosies d'Haraldir..ainsi donc l'homme n'était pas indifférent aux charmes de Pietro..Charmantes soirées en perspective.

Pietro allait partir..elle aurait pu...ressortir l'un de ses pied et étendre la jambe juste pour..si si vous voyez bien pourquoi elle aurait fait celà sur le passage de Pietro mais elle préféra ignorer le spécimen puis finalement lui pinça discretement la fesse l'air de rien et se concentra sur la discussion retenant tant bien que mal un fou rire.

- Divine, il paraitrait oui mais..chut il ne faut pas le dire trop fort Dolmance est d'une jalousie maladive dit elle en murmurant et souriant au jeune homme. Vous venez donc de Luxeuil, je suis allée en Franche Comté, il y a peu, à Dôle plus précisément où j'ai pu rencontrer le Comte en place à ce moment là, elle ne pu dissimuler l'émoi que lui provoquait ce souvenir, mais je..euh oui Chambery, charmante petite bourgade, bons et mauvais souvenirs pour ma part mais on se fait à tout, enfin je crois..

Elle porta le verre à sa bouche et bu quelques gorgées du divin vin.

- Il parait que les douleurs du passé font avancer..j'en doute mais soit il est bon d'y croire.

Le regard prasin chercha celui de l'homme comme pour tenter d'y déceler d'autres informations, mais bien vite, encore une fois, elle se reprit.

- Ce sont de beaux projets que vous me présentez là, nous serons donc amenés à nous rencontrer plus souvent que je ne le pensais ajouta t'elle en souriant En ce qui me concerne, que vous dire de plus..je vis à Bourg depuis quelques années maintenant, j'ai été Maire, Duchesse de Savoie, Ambassadrice et de façon brève Juge, mariée deux fois, divorcée et veuve..ah oui je suis aussi l'actuel Maistre du Palais de Chambery et enfin je suis l'heureuse et fière mère de deux enfants, Jehanne et Pierre.

Elle attrapa une petite friandise et la glissa dans sa bouche

- et vous vous j'estes marié ? hum..pordon dit elle en cachant sa bouche de sa main avant d'avaler le morceau et d'ajouter..pardonnez moi, je ne sais pas me tenir !

Haraldir avait écouté le récit d'Evalea avec grand intérêt. En cette soirée mélancolique, il ne serait jamais attendu à rencontrer un personnage d'une telle prestance. Il rigola d'ailleurs à sa petite indiscrétion.

"Je suis impressionné par votre parcours, Evalea. Vous semblez avoir de l'expérience dans les affaires politiques".

Il fit une brève pause, le temps de goûter aux amuses-bouche apportés par Pietro. Ils étaient délicieux, tout comme le valet qui les avait gratifiés d'une telle flatterie des sens.

"Mon mariage ? Ne vous excusez pas, c'est une question qui peut se poser... Sincèrement, je ne pense pas avoir un jour la chance d'être marié. Sauf si, bien sûr, j'y suis forcé ! Mais je ne saurais blesser à ce point l'honneur des femmes : l'élue aurait affaire à un mari bien décevant, et je ne peux lui imposer cela".

Décidément, cet apéritif était très bon, et il trempa ses lèvres à son verre, laissant la boisson enivrer son palais.

"D'ailleurs, vous qui avez l'air d'avoir eu une vie bien mouvementée à ce niveau... Je ne peux que vous féliciter d'avoir deux enfants qui, j'en suis sûr, vous donnent toutes les preuves d'amour dont vous avez besoin. Ce sont deux réussites qui devraient vous enchanter chaque jour que vous passez à les voir grandir".

Le feu s'éteignait petit à petit, ce qu'Haraldir remarqua. Il se leva de sa chaise, prit le tison posé sur la droite de la cheminée, enleva les cendres qui étouffaient le comburant, et se mit à genoux pour souffler sous les bûches. Très vite, le bois s'embrasa de nouveau et donna un nouveau souffle de chaleur à la grande pièce. Haraldir revint à sa place et continua la conversation.

"A propos de politique, on m'a conseillé de me mettre sur la prochaine liste pour les élections ducales. Qu'en pensez-vous ? Je vous avouerai que la chose me tente bien, mais je ne sais pas à quoi elle peut me mener !"

- Impressionné, oh non il ne faut point Haraldir, je puis vous appeler Haraldir ? point de cérémonial ici à Seéz. De l'expérience, oui un peu, deux mandats de Duchesse vous apportent quelques connaissances, mais je pars du principe que rien n'est jamais acquis, que nous avons toujours besoin de nous enrichir.

Elle attrapa une nouvelle gourmandise qu'elle mangea plus doucement cette fois ci.

- Vous forcer à épouser une femme ? décevant seriez vous ? je dois dire que vous m'intriguez.

Elle se réinstalla dans son fauteuil, posa ses coudes sur ses cuisses et se pencha vers lui.

- Vous voulez dire que vous vous destinez à la religion peut etre ? ou bien au contraire que vos penchants sont plus..masculins ?

Elle se redressa..

- Enfin je peux vous comprendre croyez le bien dit elle en le gratifiant d'un sourire malicieux

Buvant à nouveau quelques gorgées du délicieux nectar elle regarda l'homme en faire de mesme.

- Mes enfants sont merveilleux oui, Jehanne a l'esprit quelque peu rebelle mais elle est jeune encore, quand à Pierre il est plus posé, son éducation sans doute à fait beaucoup.

Elle suivi ses mouvements lorsqu'il se leva pour remettre du bois dans la cheminée.

- La politique dites vous ? sur une liste ? le Mohum suppose ? bien..je crois que c'est une expérience enrichissante à tenter. Elle vous permettra de découvrir de nouvelles choses et peut etre y prendrez vous grand plaisir.

Elle retrempa ses lèvres dans le gobelet d'argent.

- Mais il y a beaucoup de rats dans ce milieu..je me dois de vous prévenir.

Haraldir n'en finissait pas de déguster les mets posés sur le plateau d'argent. Commençant à se sentir satisfait, il reporta son attention sur sa coupe de vin. Tout en écoutant Evalea, il la fit tourner pour que se dégagent les arômes de ce grand cru.

"Mais il y a beaucoup de rats dans ce milieu... je me dois de vous prévenir", conclut-elle.

A cette phrase, il releva les yeux vers la noble dame. Il sourit en coin avant de répondre :

"Justement, c'est là que se trouvent mes doutes. Je ne me pense pas assez fort ni "rat", comme vous dites, pour réussir dans cette carrière. Peut-être devrais-je attendre un peu pour m'endurcir. Si je dois me lancer dans la politique, autant que mes débuts connaissent quelques succès, ne pensez-vous pas ?"

Il se leva pour se dégourdir les jambes, et commença à marcher lentement dans la pièce en mirant les nombreux portraits.

"Oh, bien sûr, l'échec est omniprésent. Qui de nous n'en a jamais connu ? Je pense qu'ils sont justement la condition de notre réussite. Vous doutiez justement de ce que les douleurs du passé fassent avancer. Voyez-vous, sur ce point je ne suis pas tout à fait d'accord, car je pense que ce sont elles qui nous permettent de nous remettre en question, donc de progresser. J'ai dans la tête l'image de l'oiseau : pourrait-il voler sans la résistance de l'air ?"

En s'arrêtant, il retourna vers la cheminée et plongea son regard dans les flammes, avant de le reposer sur Evalea.

"Excusez-moi cet instant d'égarement, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez ?"

Il avait soigneusement évité la question, et elle sourit intérieurement à celà, après tout qui était elle pour lui poser telle question alors qu'ils ne se connaissait que depuis..quelques minutes.

- Les douleurs, erreurs ? du passé font réfléchir mais pas forcément avancer, elles nous guident sur d'autres chemins que nous prenons ou pas, que nous arrivons à suivre, ou pas..bref si l'on veut avancer, je pense qu'il faut faire une croix sur ce que nous avons vécu de douloureux avant, enfin c'est ainsi que je vois les choses et que j'aimerais pouvoir les vivre mais..enfin..

Elle posa à son tour son regard de jade dans les flammes rougeoyantes, perdues dans ses pensées un instant puis continua

- Je pense que.au contraire il est bon d'être "tout neuf" dans le milieu, vous n'estes pas "formaté" à la vie politique et vos idées n'en seront que plus riches. Je pense que parfois, à force de faire de la politique, on en perd l'essentiel de notre tache..la réflexion aux services des autres. En ce qui concerne l'oiseau..je ne suis pas certaine que ce soit une question de "douleurs" mais bien..métaphysique ? est-ce ainsi que l'on dit ? dit elle en affichant un large sourire

Elle se leva, pieds nus, verre à la main et s'approcha de la cheminée où elle avait ceuilli le premier baiser de Dolmance..

A la lumière du feu qui l'éclairait d'en dessous, la silhouette d'Evalea prenait une teinte irréelle, d'autant plus que les flammes renvoyaient des jeux de lumière fantastiques. Ou alors était-ce la mine nostalgique que venait de prendre la duchesse... Un évènement important dans sa vie devait s'être passé à cet endroit même. Haraldir en eut un mouvement de recul.

"Du sang neuf... Oui, vous avez raison. Je m'inscrirai sur la prochaine liste électorale du Mohum pour les élections ducales. Nous verrons ce que donne mon caractère en politique. Et pour sûr, j'ai en vous une habile conseillère, je pense".

Il retourna le sourire à Evalea lorsqu'il décida d'en revenir à l'oiseau :

"Cet oiseau qui vole, si vous le désirez nous pouvons y voir quelque chose de métaphysique : au-delà des axiomes physiques, quel est le principe même d'un oiseau ? Peut être que la réponse, s'il y en a une, nous aidera à savoir si les douleurs du passé nous aident à progresser ou pas. Mais s'il y a une chose que je remarque, c'est qu'au fond nos deux pensées se rejoignent : il ressort de ce que vous venez de dire que sans expériences douloureuses, nous ne pouvons prendre d'autres chemins, nous ne pouvons avancer fructueusement sur ce mince sentier qu'est la vie. Et je suis parfaitement en accord avec cela".

L'extase s'emparait petit à petit d'Haraldir. Il s'amusait beaucoup à disserter sur ce sujet, et il l'exprima en affichant un large sourire tout en buvant à nouveau une gorgée dans son verre en argent.

"Mais je vous vois préoccupée en cet instant même où vous vous êtes approchée de la cheminée. Ce lieu vous rappelle-t-il quelque souvenir mélancolique ? Je sais que cette pièce est chargée de souvenirs pour tous ceux qui fréquentent un tant soit peu le Castel Larose..."

- Préoccupée non point Monsieur, juste émue de repenser à ce soir de décembre où ici mesme..je..

Elle se retourna dissimula un sourire empli de tendresse.

- Ce Castel est un écrin où bons nombre d'évenements, heureux ou malheureux, se sont passés. J'aime la tranquilité des lieux, j'aime à y faire l'amour à l'homme que j'aime, j'aime à passer de longues heures à admirer ses jardins et la Tour de l'Ordre mais..mais..

Elle baissa les yeux, puis les releva de nouveau tristement.

- Mais je n'y aurai jamais ma place, parcequ'un fantome y règne en Maistre.. Je ne puis lutter contre un fantome et ses frasques, je n'en ai plus la force.

Elle bu ce qui restait de son verre d'un trait puis s'en resservi un tout en continuant de parler

- L'alcool a celà de bon, il fait oublier un temps, mais lorsque l'ivresse a disparu alors..alors la chute est encore pire.

Elle éclata d'un rire étrange et se retourna de nouveau.

- Bon sang mais pour qui allez vous me prendre, une folle sans doute, mais je dois vous dire quelque chose, je le suis..totalement..et je le revendique.

Sa main libre glissa jusqu'à la pince de nacre qui retenait l'ébène chevelure, les longs et fins doigts vinrent s'y glisser et lisser lentement les mêches de cheveux.

- Nous allons être saouls Monsieur..dit elle en souriant

A la dernière phrase d'Evalea, Haraldir répondit par un "hips !". Il se sentit rougir jusqu'aux oreilles d'une telle impolitesse. Il avait l'habitude de mieux se tenir, même quand l'alcool commençait à faire ses effets sur lui.

"Je... euh... m'excuse, Evalea... Je suis, pfff... navré".

Pour éviter toute nouvelle tentation, il posa le verre sur la petite table et ne le regarda plus. Il se recentra sur la conversation.

"Un fantôme ? de quel fantôme parlez-vous, chère duchesse ? je vous avoue que je suis intrigué par l'évocation d'un tel être fantastique, mais je crois comprendre que vous le comprenez au sens figuré, n'est ce pas ?"

Quelle question... Evidemment, le contexte de la discussion ne prêtait pas aux contes fantasmagoriques. La curiosité s'empara de lui, mais avant même de poser une autre question il devina de qui Evalea voulait parler. Il n'y avait aucun doute.

"Pardonnez-moi pour cette question déplacée, mais le vin influe sur mes capacités de réflexion. Ne faites pas de doute, si vous restez suffisamment longtemps ici, vous aurez un jour votre place ici. Si j'ai un conseil à vous donner, laissez le temps faire son oeuvre. Il peut être un ami bien plus précieux qu'on ne le pense. Il faudra juste vous montrer... patiente".

A ces mots, la noble dame releva la tête, découvrant son visage qui avait été cachés par les longs cheveux bruns qu'elle avait libéré de leur emprise. Ses yeux reflétaient une tristesse qui toucha Haraldir. Il s'approcha d'elle et lui posa la main sur son épaule, plongeant son regard dans ses prunelles embuées.

"Et je ne doute pas que vous ayez, enfouie en fond de vous, cette force que vous croyez avoir perdue".

(HRP : je m'absente ce week-end. Si vous voulez, ce serait avec grand plaisir que je reprendrai ce RP la semaine prochaine).

Elle avait souri lorsque le "hips" avait retenti dans le salon. Ils avaient trop bu, tous les deux, mais qu'il était doux de se perdre un peu dans cette divine sensation de flotter avec légerté dans la pièce.

Le salon avait tout autre aspect, les tapisseries des murs bien sages, se mélangeaient harmonieusement, des formes s'enchevetraient, ici des angelots, par là des hommes..et des hommes, des femmes et des hommes, ou encore des femmes et des femmes..Elle demanderait à Dolmance qui était l'ingénieux tapissier qui avait fait celà et lui ferait redécorer sa chambre..

Dans la cheminée, une douce musique du passé revenait en boucle, celle d'un bal trop vite terminé, celle d'un instant sur un balcon éclairé de milles étoiles trop vite quitté..

Sur tes lèvres, sur ton ventre et sur tes seins,
Se déversa, plus brûlant que le feu de Vulcain,
Mon plaisir, ma jouissance, que rien ne retient.
Je tombe dans tes bras, tu souris, à jamais je suis tien...

- Mien..un sourire glissa sur ses lèvres brillantes de vin


Elle contempla un instant l'homme qui se trouvait face à elle et qui venait de parler, elle évita soigneusement de répondre à la question sur le fantome en buvant quelques gorgées de vin et se détourna instinctivement lorsqu'il posa sa main sur son épaule. Les regards se croisèrent mais c'est avec plaisir et étonnement mélangés que la Duchesse cru déceler de la sincérité dans les yeux du jeune homme.

- Seul l'avenir nous le dira, mais merci à vous de m'encourager à le croire Messire.




(Aucun souci !!)

Il sourit lorsque Evalea se détourna après qu'il eût posé sa main sur ses épaules. Il se maudit d'une telle inconvenance, surtout qu'ils ne se connaissaient qu'à peine, et qu'au fond il savait très bien que ses préférences ne le mèneraient jamais à toucher ainsi une femme avec une arrière-pensée.

"J'espère que votre croyance se muera petit à petit en conviction", dit-il.

Il se dirigea vers la table, et plongea sa main dans l'assiette pour en cueillir une autre friandise. Il n'en restait plus beaucoup, alors il la prit et la tendit vers la Duchesse pour qu'elle puisse se servir.
Il repensa au mot qu'elle avait murmuré l'instant d'avant : "mien". La question de savoir qu'est ce qui était sienne lui brûlait les lèvres, mais celle sur le fantôme ayant été esquivée, il préféra ne pas commettre d'autres indiscrétions. Il décida de changer complètement de sujet :

"Cela n'a rien à voir, je le sais, mais j'ai entendu dire, notamment en taverne et de la part du brigadier-chef de Chambéry, que la Savoie traversait en ce moment une période très agitée. Comme je suis arrivé récemment ici, pouvez-vous me renseigner plus précisément sur ces troubles ? Par exemple, qui en est la cause, pour quelles raisons, quels sont leurs buts ?"

Elle prit délicatement une friandise.

- hum oui la Savoie a connu quelques troubles en effet, disons que la famille Krakov n'est jamais la bienvenue en nos terres. Pour y avoir tenté certains méfaits, il faut s'en méfier comme de la peste. J'ai eu à faire à certains d'entre eux durant mon mandat de Duchesse, ils ont la tête dure, heureusement..je l'ai aussi parfois. Ils sont à ce jour partis, mais je doute qu'ils s'en arretent là, non ils veulent "la peau" de la Savoie..C'est pour celà que les Savoyards doivent rester soudés quoi qu'il se passe.

Elle croqua le gâteau et le mangea avec gourmandise.

- ces friandises sont un réel ravissement pour le palais
dit elle en finissant d'avaler sa bouchée, oh mais savez vous que durant un voyage à Macon j'ai appris que ma tête était mise à prix ?

Elle se mit à rire à gorge déployée

- j'ai trouvé celà excitant même si j'évite d'en parler, d'ailleurs il n'y a que vous et ma vassale qui en estes informés, je n'ai rien dit à Dolmance. Le connaissant il s'en inquieterait et il a suffisament de souci comme ça pour ne pas l'ennuyer avec un si..

Elle plongea son regard arsenic, comme Dolmance aimait le dire, dans celui de l'homme.

- petit détail. ajouta t'elle avant de manger la dernière bouchée.

Elle s'approcha de la fenestre et regarda au-dehors

- Avez-vous visité les jardins ? ils sont magnifiques, je vous avouerais meme que j'adore m'y perdre..Ils vont me manquer sans aucun doute.

"La famille Krakov ? Mais d'où viennent-ils ? leur nom de sonne pas de la région, en tout cas. Vous faites bien de m'en parler, car je suis enfin prêt à porter mon épée lorsque j'entendrai leur nom".

Sa tête serait mise à prix ? Haraldir en fut surpris, et s'étouffa avec sa friandise lorsqu'il entendit cela.

"Excusez-moi, vous ? être recherchée ? comment est ce possible que l'on puisse vouloir du mal à une aussi grâcieuse dame telle que vous ? Ne vous sentez absolument pas obligée de répondre à cette question, apparemment vous en avez déjà trop dit... mais sachez que vous trouverez en moi un défenseur inconditionnel. Je saurai garder ce secret".

Il se leva et s'approcha de la fenêtre, son regard s'étendant sur les jardins chaleureux du Castel Larose. Le soleil de la fin de journée, bien qu'allongeant les ombres, donnait aux reliefs et aux couleurs une teinte qu'il appréciait particulièrement. Pourquoi pas s'y balader ?

"Les jardins... non Evalea, je n'ai pas souvent eu l'occasion de les visiter. Que diriez-vous que nous nous y promenions, pour admirer la beauté que donne le dernier sourire du soleil aux enfants de Gaïa ?"

Sa voix était posée. Il était agréable de l’écouter parler sans rien dire..

Il s’était rapproché, et à présent ils regardaient tous les deux les jardins.

- Krakov, non en effet, je ne pense pas que leurs aïeuls soient de la région, sans doute d’une contrée bien lointaine de notre Empire..je ne sais pas vraiment en fait, mais je pourrais toujours me renseigner si cela vous intéresse.

Elle leva les yeux sur lui, il l’a surplombait légèrement de quelques dizaines de centimètres.

- Recherchée oui..ce qui m’ennuie surtout c’est que.. elle se pencha vers lui et murmura ce serait une dame qui habiterait à Bourg qui aurait demandé celà à un groupuscule de brigands, mais je ne connais pas son identité sinon je m’en serais déjà occupé..

Elle se redressa ne lâchant pas son regard

- une balade dans les jardins ? Un franc sourire se dessina sur ses lèvres puis elle ajouta ce serait un vrai plaisir que de vous y accompagner

Elle enfila rapidement ses escarpins puis se dirigea vers la porte

- en route Messire Haraldir, à nous la découverte de la maison de Gaïa dit elle en souriant et en invitant l’homme à la suivre

Haraldir réfléchissait aux problèmes rencontrés par Evalea.

"Et si ses "affaires" avec les Krakov et la poursuite dont elle fait l'objet étaient liés ?"

Laissant cette question en suspens, il décida pour l'instant de profiter de la promenade que lui offrait la duchesse du Genevois.

"Je suis impatient de découvrir ce lieu avec vous. Allons-y de ce pas !"

En se dirigeant vers la porte, il vérifia que tout serait laissé en ordre. Oh et puis après tout, cela était l'affaire des domestiques ! Il appela le valet à cet effet.

"Valet !"

En passant devant le portrait de son père, un jeta un dernier regard sur lui, se disant qu'après tout, la vie était ainsi faite et que rien ne servait de s'apitoyer sur son sort. Mieux valait avancer, toujours et encore, construire, créer, s'élever. S'il y avait une chose que son père lui avait appris, c'était bien cela. Il le remercia au fond de lui de lui avoir donné cette force.

Il se retourna vers Evalea, qui lui tenait poliment la porte. Il s'y précipita, ne pouvant supporter une telle dérogation aux règles de la galanterie.

(HRP : voulez-vous continuer ce RP dans le lieu approprié ? j'en serais ravi, en ce qui me concerne)